Wellnews 🗞 L'extradition d'Alex Saab et la crise vénézuélienne 🇻🇪

Coucou les girls,
J'espère que vous allez bien. Si non, tenez bon! ✊🏻 On va parler aujourd'hui de l'extradition d'Alex Saab - un proche allié du Président vénézuélien Maduro (qui est enfait à moitié président, lol, c'est déjà compliqué), alors que se déroulent depuis deux mois des pourparlers visant à faire sortir le pays d'une impasse générale profonde ❌. On parlera donc par extension de cette crise mi-néo-Guerre froide, mi-impérialiste qui met le pays (= sa population!) à genoux depuis trois ans maintenant. Bonne lecture! 📖

QUOI? 
Le 13 août dernier, dans l'ombre de la crise afghane, des négociations ont commencé à Mexico City entre le régime de Maduro et l'opposition, représentée par Juan Guaido (que je présenterai plus tard, parce que c'est un peu intense d'expliquer d'emblée qui est président de quoi 🤷🏼‍♀️). Il y a deux jours, le diplomate colombien 🇨🇴 Alex Saab a été extradé vers les Etats-Unis 🇺🇲. Celui-ci est accusé de blanchiment d'argent et serait (enfin, c'est ce qu'espèrent les Américains) un témoin clé de la corruption du régime de Maduro ⚖️. Immédiatement, en représailles, le régime enferme des représentants américains de groupes pétroliers alors sous mandat d'arrêt, et stoppe les négociations - présentées comme une chance unique de sortir le pays d'une crise terrible (NYT, The Guardian).

Retournons un peu en arrière pour comprendre la situation actuelle du Vénézuela : En 1999 est élu Hugo Chavez, un président socialiste (au sens communiste du terme) élu de la révolution bolivarienne (du nom du libérateur Simon Bolivar, check it out 🔎). Le Vénézuéla s'éloigne de la politique néolibérale menée jusque là pour se tourner vers une nationalisation des industries clés et redistribution des richesses (entre autres) 🏦. Par extension, il fait shifter le pays radicalement en terme d'alignement de politique étrangère : le président dénonce la main-mise des US sur les réserves de pétrole du pays 🙅🏿, qui détient alors une grande quantité de permis d'exploitation. Le Vénézuéla détient encore aujourd'hui les plus grandes réserves de pétrole au monde ❗situées en majorité au nord du pays qui, avant la crise, constituait 95% de ses exportations. Le pays décide de faire du pétrole sa source quasi exclusive de revenu, et le paye aujourd'hui. Le Vénézuéla est d'ailleurs le fondateur de l'OPEP, l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole 🛢️. Le pays est, pour cela, un pays clé qui a toujours fait l'objet d'attention des grandes puissances (on y reviendra). Durant son mandat, Chavez est apprécié par le peuple car il utilise les rentes du pétrole pour financer des programmes sociaux qui sortent peu à peu le pays de la pauvreté ✏️  Au début du millénaire, le Président US Bush-fils finance un coup d'Etat afin de le destituer (#tranquille) mais Chavez est restitué peu de temps après. L'anti-américanisme se renforce, et est poursuivi à sa mort par son successeur et ancien conseiller Nicolas Maduro dès 2013 (Le Monde, Le Dessous des Cartes, la chercheuse vénéz. Paula Vasquez Lezama). 

Sauf que Maduro ne dispose pas du même soutien, dû à la ⬇️ des financements de programmes sociaux en raison (en partie, et surtout) de la ⬇️ du prix du pétrole, d'une inflation qui explose, de la corruption grandissante et de ⬆️ de la violence dans le pays. 📈L'économie s'effondre et des manifestations anti-Maduro ont lieu dès 2016 à la suite desquelles la Cour Suprême, proche de Maduro, s'arroge le pouvoir législatif et supprime l'immunité parlementaire. Un mouvement d'opposition se lance et des élections régionales, municipales et présidentielles ont lieu, toutes gagnées par Maduro. Selon des observateurs indépendants (gros ??? ici), des fraudes ont été commises. 🇺🇳 L'ONU reconnaît tout de même Maduro comme président, à l'instar de la Chine, Russie, Iran, Cuba, Syrie. Il s'oppose à Juan Guaido, le président du Parlement et auto-proclamé président du pays depuis janvier 2019, reconnu par les US, la majorité des états sud américains 🌎 ainsi que l'UE 🇪🇺. En juin 2019, les US sont à nouveau derrière une tentative de coup d'Etat ratée contre Maduro (#vivel'ingérence). Aux talks actuels à Mexico City, d'ailleurs, le régime de Maduro est soutenu en coulisses par la Russie tandis que l'opposition est soutenue par les Pays-Bas - un vrai état de Guerre froide. 

DANS LES FAITS: L'IMPACT SUR LA POPULATION
Ces jeux politiques cachent une réalité glaçante : le pays traverse une crise sans précédent, UNDP le classe 113/189 en terme de développement humain et 119/189 en terme d'inégalités liées au genre 👫🏽♀️. Pour vous donner une idée de l'ampleur : 1/3 de la population souffre d'insécurité alimentaire (WFP), et le choléra et la malaria ont réapparu après avoir été éradiqués il y a des décennies (World Vision). La situation s'est empirée en raison du COVID-19 🔬, avec une augmentation des prix des biens de première nécessité dont alimentaire et de santé ainsi que le déplacement précipité (donc dangereux) et forcé des populations. 🏃🏽‍♀️🏃🏽‍♂️ Plus de 5,4 millions de Vénézuélien.nes ont déjà quitté le pays, principalement vers la Colombie, depuis le début de la crise économique (UNHCR). Il s'agit, après la Syrie, du pays dont provient le plus grand nombre de réfugiés dans le monde. À la crise économique, politique et institutionnelle (non-indépendance du système judiciaire ⚖️), s'ajoute une crise des droits humains de grande ampleur. 👎🏼 Amnesty International et Human Rights Watch dénoncent via le Human Rights Council (ONU) des détentions arbitraires, torture, persécution, détention de prisonniers politiques, viols, exécutions, exécutions forcées etc par le régime en place actuellement (OHCHR). Ils parlent même de crimes contre l'humanité. 

"Eight pieces of salmon and shrimp sushi here cost 55,700 bolivars, or the equivalent of more than a quarter of the country's official monthly minimum wage". Forbes

LES ACTEURS INTERNATIONAUX : L'ENJEU GEOPOLITIQUE

USA 🇺🇲

Face à la situation, la population vénézuélienne est divisée politiquement et économiquement. La population a tendance à soit accuser le régime de la situation soit à le soutenir, en blâmant les USA et la communauté internationale de les isoler économiquement avec les sanctions mises en place 💵. Depuis 2014, et surtout sous Trump, les US - suivis par l'UE - ont accru les sanctions économiques visant surtout les biens, les personnes proches du pouvoir et en interdisant des transactions entre les deux pays (particulièrement sur l'or et le pétrole), et surtout en isolant la compagnie pétrolière du pays Petroleos de Venezuela (PDVSA). La production du pétrole 🛢️ du pays chute et l'inflation augmente. Le pays s'enfonce dans la crise (CNAS). Pour rappel, le pays a longtemps basé toute son économie sur son pétrole.

Beaucoup d'experts (cf. podcast Géopolitique, le débat sur le Vénézuéla de juin 2020; EIA) dénoncent ces sanctions qui ne font que renforcer la crise humanitaire du pays, ainsi que l'afflux de réfugiés et de migrants (provoquant une crise politique avec les pays frontaliers). Durant la crise du coronavirus, le FMI a même refusé une aide au pays sous prétexte de sa situation politique. Les experts estiment aussi que ces sanctions vont en sens inverse des aides humanitaires envoyées au pays par l'UE surtout (et les US depuis peu). Ces sanctions reflètent en fait une politique américaine peu glorieuse : la Doctrine Monroe. Tirée du Président Monroe (1817-1825), elle se basait à l'origine sur l'idée impérialiste que les Européens du temps des colonies n'avaient pas à intervenir dans les affaires "américaines". Toujours appliquée, et remise au goût du jour, ça donne : "ce qui se passe au Vénézuéla est notre business car cela chamboule la stabilité générale du continent, en cela incluant les USA". Depuis l'élection de Biden, peu de choses ont changé finalement et les sanctions restent (quasi) identiques. Biden, qui a refusé de soutenir l'opposition pendant les négociations à Mexico City, montre un shift des intérêts américains, qui visent davantage l'Indo-Pacifique (cf. Wellnews précédent 🤪). Cela pourrait changer à l'approche des élections 🗳️, l'état de Floride - un swing state - étant composé de presque 500,000 Vénézuéliens.

CHINE 🇨🇳

Par principe, la Chine s'oppose à toute ingérence américaine là où elle peut et soutien donc le régime de Maduro. En 2019, la Chine était le deuxième importateur du pétrole vénézuélien (EIA). Au-delà de son approvisionnement en pétrole, qu'elle peut trouver ailleurs, la Chine espère se faire rembourser un montant colossal de dettes par le Vénézuéla... et pense qu'un changement de régime jouera en sa défaveur. Outre les armes, la Chine investit au Vénézuéla surtout en soft power, avec des hôpitaux 🏥notamment (Prisoners of Geography).

RUSSIA 🇷🇺

Le support de la Russie pour le régime Maduro durant les récentes négociations à Mexico City n'est pas anodin. Il est l'allié militaire 🎖️ le plus important du pays, et un acteur majeur de sa répression. En bonne Guerre Froide, le Vénézuéla permet à la Russie d'avoir un pied sur le continent américain, et dans "le monde occidental" de manière générale. Les similarités entre cette alliance et celui entre la Russie et la Syrie 🇸🇾 sont frappantes: le soutien militaire bien évidemment, mais aussi l'avantage pour la Russie d'avoir un pied sur des continents loins du sien. Enfin, il lui permet d'agir comme un acteur de négociations incontournable dans des conflits qui ont des répercussions régionales, voire internationales (CSIS).

IRAN 🇮🇷

Il y a quelques jours, un tank iranien a été vu au large du Vénézuéla, lui amenant des litres de produits raffinés, défiant les sanctions américaines devant leurs yeux. Leur alliance est une stratégie purement économique entre les deux pays dont les situations se sont aggravées à cause des sanctions respectives portées à leurs égards (le soutien du Cuba 🇨🇺 pour Maduro se base sur la même logique, en plus de l'affinité idéologique socialiste/communiste et anti-US, aggravée depuis Trump). Globalement, on peut dire que le Vénézuéla est soutenu par des Etats qui sont eux-mêmes isolés régionalement.

Voilà les filles, c'était de nouveau un gros morceau! 😅 J'espère que ça vous a intéressé. J'envoie beaucoup d'amour aux Vénézuéliennes de sang et de ❤️. N'hésitez pas si vous avez des commentaires, suggestions pour de futurs écrits ou des questions. ✍️ Vous pouvez me contacter via : elis_dp@hotmail.com ou sur Twitter : @elisdp.

Bisous, prenez soin de vous! 
Eli ✨

Elisabeth du Parc

NB: Full disclaimer: En tant qu'occidentale, je m'estime extrêmement influencée et biaisée par défaut par la vision occidentale du rôle (présenté comme favorable) des US dans la crise vénézuélienne. J'ai fait de mon mieux pour distinguer, étayant des preuves de sources établies, les responsabilités de chaque groupe. 

Pour en savoir plus: A voir: documentaire Arte: "Venezuela: chronique de crise"

A lire pour plus d'infos (cité dans le texte): UNDP, OHCHR, CNAS, CSIS

‍